APATRIDE
Campons le décor. Un dîner lambda, avec les collègues de Mr poisson et leurs charmantes épouses. Echanges de courtoisies habituelles, « alors vous vous plaisez ici mais au fait de quelle région êtes vous ? »
Et là j’ai toujours quelque seconde d’hésitation mais c’est vrai ça ? De quelle région suis-je ???
Si encore la question était de quelle nationalité êtes vous ? Ce serait assez facile.
Quoi que, selon l’assemblée je répondrais, française si je suis en terrain inconnu.
Je pourrais répondre aussi franco-tunisienne si je sent l’assemblée un temps soit peu ouverte à une invasion étrangère.
Ou même si c’est plutôt de l’autre coté de la méditerranée, sur l’autre continent plus au sud, que l’on me pose cette question, je répondrais alors Tuniso-francaise ou même tunisienne si je sens l’assemblée d’esprit fermé, un tantinet anti-étranger (et oui le racisme n'a pas de frontière).
Pour ceux et celles qui ne le savent pas encore vous aurez compris que je suis binationale.
Mais revenons à la question première « de quelle région êtes vous ?? » on reviens dans le décors un dîner en France, et là il me faut à chaque fois réfléchir très vite.
Je suis née à Paris, je suis donc parisienne me direz-vous.
Oui mais …
je suis née à Paris, je n’y ai pas vraiment vécu, en tous cas, pas mes années d’enfance.
Bon alors ayant vécu toute mon enfance et mon adolescence en Tunisie je serais de la région tunisienne ??? Ça n’existe pas en France cette région ???
Je vous entend déjà dire mais pourquoi elle se torture l’esprit ainsi « elle a la nationalité tunisienne (avec la française aussi ah oui je l’ai déjà dit binationale) elle est tunisienne. » ben non justement parce que je ne suis ni tunisienne ni française ou plutôt française et tunisienne mais pas complètement l’un et l’autre. De quoi devenir schizophrène je vous l’assure.
En Tunisie nous vivions à l’européenne, entouré d’autres familles « mixtes » comme l’on dit.
Un parent tunisien et une autre de partout ailleurs dans le monde.
Si si, enfant mon amie Nedra était canado tunisienne, puis il y a eu Samira tunisoautrichienne (je l’ai mis dans ce sens parce que dans l’autre ça sonnait vraiment bizarre) et des tas d’autre pays représentés.
La France arrivant en tête, il y avait l’Italie, la Belgique, la Russie, les états unis, Tahiti, l’inde, la Corée, l’Allemagne, la Tchécoslovaquie ( à l’époque ) la Yougoslavie ( aussi à l’époque), l'Espagne, l’Angleterre, et j’en oublie sûrement. Le tour du monde en faisant le tour de nos amis.
Nous étions pour la plupart scolarisés à l’école française, lieu où tous les enfants des étrangers en poste en Tunisie étaient naturellement scolarisés aussi, mis à part les américains qui possédais (et possèdent toujours) leur propre école.
j'ai ainsi l'hôte régulière de l'ambassade d'Autriche, d'Alemagne, du Portugal, en fonction des amours du moment.
Ce brassage fut une richesse formidable, me permettant de me construire avec un esprit ouvert et tolérant, toujours curieuse de l’autre de ses coutumes, de sa façon de voir, sans aprioris ni préjugés.
Mais pour répondre à la question « de quel région êtes vous ??? » je dois dire que je sèche. Je ne sais pas d’ici ,de là bas, d’ailleurs…
Non je ne viens pas du village X à coté de la ville Y, là ou vivaient mes grand parent ainsi que mes arrière grand parents et arrière arrière grand parents, côté père et côté mère. Là ou d’ailleurs se tient encore aujourd’hui le fief familial.
Mais comme mon silence pourrais passer pour de l’impolitesse, et que l’on m’a bien appris qu’en société il fallait toujours être trèéééés polie, j’ai pris pour habitude de répondre parisienne. Je connais suffisamment Paris pour y croire, j’y ai vécu à un age où les souvenirs ne vous trahissent pas, et finalement la famille de maman y vit depuis suffisament de temps pour oser dire qu'elle est parisienne …
De quelle région êtes vous ???
Au fond de mon cœur je cherche encore je dirais donc apatride …
Edit de 9 h00 :
Lorsque j’emplois le mot « apatride » ce n’est pas au sens péjoratif du terme, mais au sens « qui n’appartient a aucune patrie ».
Je ne nourri aucun sentiment nationaliste ou patriotique, puisque justement je ne viens pas d’une patrie mais de partout.
Partout je sens chez plus ou moins chez moi. Plus dans le sens ou je me sent bien dans n’importe quel pays, n'importe quelle patrie, moins dans le sens ou je n’irais mourir pour aucune.
Mes racines, je les plante ça et là ou j’ai pu vivre des expériences intenses qui m'ont aidé à me construire et à grandir.